VIII Pratiques des usagers et expériences des bibliothèques

Piergiuseppe Esposito - 27.10.2020

8.1 Nouvelles pratiques et usages émergents : l’expérience de la BCU Lausanne

Piergiuseppe Esposito

Introduction

Aujourd’hui, les bibliothèques de recherche sont touchées de plein fouet par la quatrième révolution industrielle, c’est-à-dire le numérique, et par l’importance de l’accès ouvert à la connaissance et à la science pour toutes et tous. Dans un contexte globalisé et en constante mutation, les grands défis à relever pour assurer la qualité du dialogue scientifique dépassent les particularités cantonales ou nationales.
D’après Jeannette Frey, directrice de la BCU Lausanne et présidente de LIBER (Ligue des Bibliothèques Européennes de Recherche), les bibliothèques européennes de recherche sont directement concernées par ces enjeux de société et abordent les mêmes problématiques : gérer des collections nativement numériques, accompagner l’avènement de la science ouverte, mettre en place la gestion des données primaires de la recherche et offrir des services performants aux chercheurs. Les exigences du contexte, des bailleurs de fonds et même des éditeurs, influencent les expériences des bibliothèques et peuvent avoir un impact fort sur la pratique des usagers.

De l’Open Access à l’Open Science

Le mouvement Open Access existe depuis 20 ans et illustre une des révolutions qui vient du numérique. Parmi les plus importants acquéreurs de publications scientifiques, les bibliothèques contribuent aussi à la visibilité de la recherche grâce à la gestion de dépôts institutionnels, auxquels les chercheurs avec ou sans affiliation peuvent avoir accès. Selon les disciplines, entre 25 % et 50 % des publications sont disponibles en archives ouvertes.
Aujourd’hui, il s’agit de faire un pas supplémentaire et de rendre accessibles librement les données primaires de la recherche, c’est-à-dire les données collectées par les chercheurs eux-mêmes. L’enjeu de l’Open Science n’est pas uniquement de stocker les données et de savoir où les stocker de manière pérenne, mais aussi de garantir leur accès et d’offrir la possibilité de leur réutilisation.
D’après une enquête de Springer Nature, publiée en mars 2018, le principal défi du partage des données consiste à les organiser d’une manière utile et présentable. Pour ce faire, les chercheurs doivent prendre conscience de l’utilité d’un plan de gestion des données et réfléchir à la question du dépôt de leurs données dans des archives ouvertes. De ce point de vue, les bibliothèques ont un rôle à jouer dans la sensibilisation des chercheurs aux principes du « FAIR data » ; cette notion recouvre un set de lignes directrices pour garantir qu’un ensemble de données soit trouvable, accessible, interopérable et réutilisable.

Gérer les collections patrimoniales numériques

À l’heure actuelle, la Suisse ne connaît pas de dépôt légal au niveau national. Pour autant, le dépôt volontaire à la Bibliothèque nationale suisse (BN) ainsi qu’un accord signé entre la BN et les associations professionnelles permettent de recevoir un justificatif de la majorité des publications (nouveautés papier, nouvelles éditions et désormais toute édition numérique).
À l’échelle régionale, une discussion a été initiée entre la Ville de Genève et le Canton de Genève sachant que la Loi instituant le dépôt légal (LIDL) de 1967 n’intègre pas les documents numériques, contrairement à la Loi du 4 avril 2014 sur le Patrimoine Mobilier et Immobilier (LPMI) du Canton de Vaud. Celle-ci stipule dans son article 32 « qu’(en) plus des missions générales prévues à l’article 30 de la présente loi, la Bibliothèque cantonale et universitaire reçoit en dépôt un exemplaire de tout livre et de toute brochure, édité sur toutes formes de support, y compris numérique, ou imprimé dans le canton (dépôt légal) ».
Un travail de réflexion a été mené au sein de la BCU Lausanne, en parallèle au projet Patrinum, axé sur la gestion et la mise à disposition de collections patrimoniales numériques. Les publications collectées, notamment les natives numériques, seront archivées et consultables via cette plateforme dans le cloud suisse (Switch). Le lancement de Patrinum par étapes auprès des différents publics, dans le courant 2019, va autoriser la recherche et la consultation des documents numériques déposés par la BCU Lausanne et les institutions partenaires, dans le respect des embargos liés aux documents.
Cette plateforme permettra aussi la création du Dépôt légal numérique, dont la BCU Lausanne a reçu le mandat. Les documents déposés seront consultables uniquement sur place. Dès lors, les éditeurs vaudois ont tout intérêt de stocker leurs documents sans DRM afin d’assurer la pérennité des données numériques. Patrinum permettra ainsi de créer des calendriers de conservation, de vérifier périodiquement si les fichiers sont encore intacts et, si le format est obsolète, de le migrer sur un autre format.

Exploiter et enrichir les métadonnées

Trente-cinq ans après avoir mis son catalogue en ligne, la BCU Lausanne a passé durant l’été 2016 son système intégré de gestion de bibliothèques (SIGB) dans le cloud par le réseau Renouvaud. Le système Alma de l’entreprise ExLibris est une solution de type SIGB dernière génération permettant de partager et de réutiliser très facilement des métadonnées en provenance du monde entier.
Le nouvel outil de découverte, indexe des ressources sur tous les supports, notamment les ressources numériques. Pour faciliter la recherche d’information, assurer des métadonnées de qualité est un enjeu majeur. Rien n’est plus important pour un chercheur que de savoir ses travaux visibles ainsi que ceux de ses paires. Le travail sur les métadonnées est donc fondamental. Pour optimiser la qualité des métadonnées, il faut entrer en négociation avec les éditeurs pour qu’ils enrichissent leurs métadonnées avant d’être mises à disposition dans la Zone Communautaire d’Alma.
Un sujet fréquent est la disponibilité de résumés, de vignettes pour la couverture ainsi qu’une proposition d’indexation RAMEAU (Répertoire d’Autorité-Matière Encyclopédique et Alphabétique Unifié) déjà faite. Du côté des bibliothèques, travailler avec un outil cloud ouvre certes de grands potentiels, mais modifie les processus de travail, les métadonnées étant reprises des éditeurs et adaptées par les bibliothécaires.
À ce propos, le virage Linked Open Data (LOD) en bibliothèque, visant à décloisonner les données des catalogues en vue de leur réutilisation, représente une nouvelle tendance globale. L’impact sur les métadonnées peut être énorme. Partout dans le monde, les bibliothèques se penchent sur la question, tentant de maîtriser ces technologies émergentes.

Anticiper l’arrivée de l’IA en bibliothèque

En tant que laboratoires de la quatrième révolution industrielle, les bibliothèques doivent anticiper l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) et l’intégrer dans leurs établissements, ce qui va avoir un effet disruptif tant sur le métier de bibliothécaire que de chercheur. Les bibliothèques vont non seulement mettre à disposition des pools de big data attrayants pour les projets d’IA, mais aussi avoir recours à des systèmes d’IA basés sur des algorithmes d’apprentissage automatique et profond pour offrir des services toujours plus attractifs et performants aux chercheurs. Dans cette perspective, une formation interne aux algorithmes a été proposée aux collaborateurs de la BCU Lausanne et aux membres de Renouvaud en 2018.

8.2 Type d’accès et stratégies d’acquisition en bibliothèque

Laurent Albenque

Introduction

Depuis plus de 20 ans, l’offre numérique en bibliothèque est très majoritairement destinée à la communauté universitaire : 98% des dépenses pour ce type de collections ont été faites pour ce public particulier. Cette disproportion est le résultat de deux phénomènes dont on ne sait pas vraiment s’ils sont, ou non, dépendants l’un de l’autre : l’offre et les conditions d’accès de cette offre d’une part, la manière de « consommer » l’information de l’autre.
En Europe, la documentation numérique vulgarisée ou grand public francophone reste relativement anecdotique et essentiellement destinée à une vente directe auprès des particuliers. L’offre numérique pour les usagers de bibliothèques est non seulement limitée mais souvent restreinte au territoire français.
Le second barrage entre les usagers et ces collections sont les conditions d’accès. Souvent liées à une adresse IP, elles ne peuvent être consultées que sur site physique par le wifi ou par les postes fixes mis à disposition. À ce stade, tous les avantages liés à la mobilité et à la légèreté du numérique s’effondrent.
Pour la documentation ou la littérature « de loisirs », on remarque que même si les usagers en Suisse semblent largement équipés en terminaux mobiles, l’usage de ces derniers ne prend pas le dessus sur les livres papiers (c’est évidemment différent pour la musique, les films et, dans une certaine mesure, pour la presse). Ce n’est en tout cas pas une attente forte de la part de des usagers. Il y a donc un travail important à réaliser pour faire connaître une offre.

Choix et description de la solution Cantook (De Marque) -PNB-Feedbooks

Le paysage francophone a commencé à évoluer avec la plate-forme québécoise lancée en mars 2012, « pretnumerique.ca ». Cette plateforme (Cantook) été créée par la société québécoise De Marque qui s’est ensuite implantée en Europe. Une phase de test avait à cette date débuté dans plusieurs établissements de lecture publique en France avec le projet français Prêt Numérique en Bibliothèque (PNB). Ce projet apportait le double avantage d’un catalogue plus large avec une importante marge d’accroissement, particulièrement en langue étrangère ; et d’un accès public via une plateforme éprouvée (identique à pretnumerique.ca).
Le projet français PNB repose sur le hub de la société Dilicom, par lequel éditeurs, distributeurs, libraires et clients finaux (comme les bibliothèques) sont mis en relation. Ce projet, lancé en 2014, est coordonné par le ministère de la culture français. Pour ce projet, trois acteurs ont été choisis (au niveau national) :
Le processus est donc le suivant : Feedbooks transmet ses fichiers, les métadonnées associées, à Cantook. Cantook les met à disposition sur sa plateforme pour les rendre accessibles au public et permet le prêt. Les demandes de prêt sont ensuite transmises à Dilicom.
À ce stade, il est important de noter que la bibliothèque n’est jamais dépositaire des fichiers. Ceux-ci transitent directement du distributeur au lecteur. La bibliothèque ne possède pas, même temporairement les livres électroniques, elle ne possède que les métadonnées des titres et des licences qui sont constituées par des droits de prêt.

Fonctionnement quotidien de la plateforme et réponses du support technique

Une fois le lancement terminé, les relations avec le fournisseur de la plateforme (De Marque) se limitent surtout au support qu’il offre en cas de problèmes. Les acquisitions et les renouvellements d’abonnement (à la plateforme) sont des processus bien rodés qui se déroulent efficacement. En revanche, côté support technique (c’est-à-dire en cas de problème avec un appareil ou à l’ouverture d’un fichier) les résultats sont plus mitigés.

Avantages et inconvénients de l’externalisation pour les bibliothèques

Tout d’abord, la bibliothèque a accès à un catalogue déjà constitué, dont l’ensemble des négociations avait été effectué par le diffuseur. Cette offre initiale évolue constamment, que ce soit avec l’intégration de nouveaux éditeurs ou par l’enrichissement d’une collection déjà existante. Ce dernier est le fruit du travail direct du distributeur, travail de négociation et de médiation pour lequel les bibliothécaires ne sont pas qualifiés. La délégation de la négociation trouve toutefois ses limites et notamment pour de petits éditeurs locaux, peu représentatifs du besoin de l’ensemble des clients et pourtant tellement précieux aux usagers des bibliothèques locales.
La souscription à une plateforme externe permet aussi de bénéficier du travail de tous les clients précédents et notamment des demandes d’amélioration qu’ils ont effectuées. Un des gros points forts de l’offre est la mise à disposition de l’aide, extrêmement complète et très bien structurée qui permet de minimiser les explications par e-mail avec les lecteurs en renvoyant vers celle-ci.
Les autres clients sont donc un atout pour faire évoluer ce type d’offre car les besoins sont sensiblement les mêmes (contrairement à un SIGB - Système Intégré de Gestion de Bibliothèque - par exemple où chaque bibliothèque a ses exigences particulières). En revanche, dès que l’on souhaite des développements spécifiques (ex. ajout de statistiques), il est possible d’acheter le développement au fournisseur de la plateforme.

L’offre documentaire : politique des éditeurs français

Outre la question du piratage, la crainte principale des éditeurs est toujours la même, que le prêt numérique en bibliothèque cannibalise les ventes des livres physiques qui restent au cœur de leur modèle d’affaires. Cette volonté se retrouve dans les conditions d’achat et de prêt faites aux bibliothèques.
Avant tout, il est faux de penser qu’une bibliothèque (ou un particulier) « achète » un livre numérique. Ce que nous achetons, c’est le droit d’accéder à un texte et non pas le texte lui-même. Pour un particulier, ce droit d’accès est censé être sans limite une fois l’ouvrage acheté. Mais il ne peut ni le prêter ni le donner, au contraire de ce qui se fait avec un ouvrage papier.
Pour une bibliothèque, les licences sont limitées dans le temps (en général entre 5 et 10 ans) et comportent un nombre total de prêts autorisés par ouvrage acheté (en général entre 25 et 60 prêts) : la licence expire lorsque tous les prêts ont été consommés ou, si ce n’est pas le cas, lorsqu’elle arrive au terme de la durée fixée par l’éditeur.
Le groupe Hachette se singularise par des conditions plus proches de celles des grands groupes mondiaux dont il fait partie : une licence et un nombre de prêts illimités qui s’accompagnent d’un prix d’achat des nouveautés équivalent à trois fois le prix de la version papier et de l’impossibilité de faire des emprunts simultanés.
L’autre paramètre à prendre en compte dans une décision d’achat est le prix. Contrairement au modèle anglo-saxon, où le prix du livre numérique est significativement plus bas que celui de l’édition papier, les éditeurs français maintiennent un prix du numérique aussi élevé ou plus élevé que celui de la version papier.
Enfin, le gros avantage du livre numérique est la possibilité de prêter simultanément à plusieurs lecteurs le même ouvrage. Techniquement, le nombre de prêts simultanés possibles est bien entendu illimité. Dans les faits, chaque éditeur intègre une limite dans la licence.
Pour résumer, ces licences sont relativement coûteuses pour les bibliothèques et les laissent face à un double verrou : un nombre limité de prêts sur une durée elle aussi limitée. Heureusement, sous la pression des bibliothèques, certains éditeurs ont fait évoluer leurs conditions dans un sens plus favorable aux besoins. Mais les marges de négociation des bibliothèques resteront limitées. Se posera néanmoins, à terme, la question du poids financier à donner à ces ressources au sein des budgets d’acquisitions et celles de la pérennité de l’offre.

Quelle place pour les éditeurs suisses ?

Dans l’absolu, en tant que bibliothécaires suisses, nous souhaiterions pouvoir proposer prioritairement à nos usagers du contenu d’auteurs ou d’éditeurs suisses, romands afin de les mettre en valeur. En réalité, nous ne pouvons qu’offrir des auteurs suisses publiés en France et dont l’éditeur offre une version numérique. Les éditeurs romands, même les plus importants, semblent encore frileux vis-à-vis de l’édition numérique et donc, si ce pas-là n’est pas encore franchi, celui de le proposer à des bibliothèques pour le prêt n’est pas non plus en ligne de mire.
L’espoir des bibliothèques suisses romandes est de mieux faire connaître la lecture numérique dans nos contrées auprès de nos éditeurs. Le temps faisant, l’espoir de voir la littérature suisse mieux représentée sur ces plateformes se réalisera peut-être. Nous aurions alors avec nous l’expérience d’avoir déjà monté ce genre d’offres et un public réceptif et adepte de ces technologies.

8.3 Quel lectorat pour l’offre numérique en bibliothèque en Suisse romande ?

Le profil d’usage

Dans son enquête dans les médiathèques en Auvergne-Rhône-Alpes, Mabel Verdi Rachemacher distingue trois types d’usagers : les convaincus, qui ont eu une expérience de lecture numérique satisfaisante et dont la pratique est stabilisée ; les dubitatifs, qui ont eu une expérience satisfaisante mais préfèrent lire en version imprimée ; et enfin les désenchantés, qui font un bilan négatif de leur expérience.
Dans l’utilisation de la lecture numérique, on observe les deux postures extrêmes : des personnes qui s’inscrivent à la prestation, empruntent un ou deux livres et ne reviennent pas. Il y a également un nombre assez important de grands lecteurs, qui empruntent par lot de 10 livres numériques chaque mois, et ceci depuis leur inscription numérique. Dans les usages cycliques, on remarque des lecteurs qui n’empruntent pas de manière régulière, mais intensivement à des périodes données, vraisemblablement avant un départ en vacances.

Sur le plan quantitatif ensuite.

Dans son article du Livres Hebdo paru en février 2017, Véronique Heurtematte (Heurtematte, 2017) donne les informations suivantes : A Montpellier Méditerranée Métropole, l’offre touche 1’000 lecteurs sur les 54’000 que compte le réseau (1,9 %). À Grenoble, les prêts concernent 1’300 des 35’000 usagers (3.7 %). Exemple en Suisse, la BCU Lausanne compte, elle, environ 29'000 lecteurs actifs, dont 1'800 sont inscrits à eLectures. Le ratio (6,2 %) est comparativement bon.

Le profil des usagers d’e-books

Selon le sexe : Pour la lecture en général, l’enquête OFS 2014 sur les pratiques culturelles en Suisse (OFS, 2017) et la brochure présentant les premiers résultats de l’enquête (OFS, 2016) notent que les femmes sont plus nombreuses à lire des livres que les hommes, et particulièrement si on parle de la lecture pour les loisirs. Par contre, il semblerait que la parité se retrouvent, au niveau Suisse, pour la lecture d’e-books pour les loisirs.
Selon l’âge : comme le montre le graphique ci-dessous concernant l’offre eLectures de la BCU Lausanne, toutes les tranches d’âge sont représentées, avec une prédominance des quadragénaires et quinquagénaires. Assez réjouissante, la présence des trentenaires en troisième position, soit un public moins présent physiquement dans les bibliothèques. À titre de comparaison, les données de l’OFS (2017) montrent que les 30-44 ans sont de plus grands amateurs d’e-books.
Proposer une offre numérique apparaît pour de nombreuses bibliothèques comme un choix stratégique. La bibliothèque évolue, ses services aussi. Si l’on souhaite rester en phase, les bibliothèques doivent s’adapter. On est également dans une démarche de diversification des prestations offertes et des publics.
Il reste néanmoins très difficile de définir de manière précise si une telle offre est, au niveau du lectorat, plutôt un produit de substitution ou une opportunité d’attirer un nouveau lectorat, et de renouveler les publics. C’est sans aucun doute un peu des deux.
Même si le nombre de prêts effectués sur les plateformes de Suisse romande (BCUL Lausanne, BCU Fribourg, Médiathèque valais, eBibliomedia) est tout à fait satisfaisant, on ne peut pas dire qu’il y ait une percée au niveau des statistiques d’emprunts. On ne peut pas non plus lire dans les statistiques de prêts de documents physiques s’il y a substitution ou non. Il y a de toute façon une limite à ce qu’un individu peut lire en un mois, même en étant un grand lecteur. Ce que l’on peut constater, c’est qu’une partie du public de lecture numérique emprunte également des documents physiques.
La bibliothèque peut-elle gagner des nouveaux lecteurs grâce à la lecture numérique ? Oui clairement. Ce n’est pas chiffrable car le lecteur vient s’inscrire sur place sans nécessairement mentionner son intérêt pour la lecture numérique. Cependant, en Suisse romande, les bibliothécaires qui offrent la lecture numérique constatent que de nombreuses personnes les ont contactés, parfois de loin, en disant s’inscrire pour le numérique uniquement.

Formation des professionnels

Lancer une telle offre, pour un public généraliste, sans accompagnement, semble téméraire. Or, pour accompagner, il faut que les professionnels, et en particulier ceux travaillant dans les services au public, soient au point sur les différentes facettes de la prestation (contenu, fonctionnement de la plateforme et du prêt numérique, connaissance des supports, etc.)
Il est donc important d’organiser, dans les mois précédant le lancement de la plateforme de lecture numérique de la bibliothèque, une formation des collaborateurs, basée principalement sur l’expérimentation personnelle.
En mettant à disposition des bibliothécaires du matériel pour expérimenter (test de tablettes et liseuses), afin qu’ils soient à l’aise avec leur utilisation. L’objectif principal est que chacun se crée une pratique de lecture numérique, des compétences d’utilisation courante de la plateforme et du téléchargement sur des supports mobiles.

Enjeux et constat

Les formations permettent à tous de se familiariser avec la plateforme et les outils nécessaires à l’emprunt de livres numériques, ce qui facilite le transfert et donné une plus grande aisance aux collègues des guichets pour renseigner les usagers sur la prestation.
Un petit groupe de bibliothécaires doit se consacrer au support en ligne. L’expérience de résolution des problèmes des usagers implique un approfondissement des connaissances au sein du groupe, et créé un appui à deux niveaux : les questions simples sont gérées par tous et, pour les plus compliquées, les usagers sont redirigés d’abord en interne, puis vers le support de la plateforme en cas de besoin.
Pour être efficace, il est néanmoins indispensable de rester au courant de l’évolution des technologies, en l’occurrence les différentes applications de lecture, les modèles de liseuses, les changements à venir au niveau des DRM (Digital rights management). Le rythme n’est pas forcément facile à suivre, surtout si l’on souhaite assurer l’assimilation des informations par tous.

Formation et accompagnement des lecteurs

La mise en place d’une offre numérique va de pair avec un accompagnement des utilisateurs, sur place et à distance.

Les ateliers de découverte et de prise en main

Les ateliers peuvent aller de la présentation générale de la plateforme à un accompagnement pas à pas dans l'emprunt du premier livre numérique (création d'un adobe ID, réactualisation du mot de passe, installation des logiciels nécessaires…).

Le support par e-mail ou par téléphone

Parallèlement à l'accompagnement sur place le support se fait également à distance, par e-mail et par téléphone. Les demandes sont parfois standards mais souvent dépendantes de la configuration des équipements personnels des usagers. Les problèmes ne sont pas toujours faciles à déceler, mais avec le temps l’équipe qui répond aux questions en ligne peut établir une sorte de catalogue des problèmes les plus fréquents et de leurs solutions.

L’aide en ligne et les foires aux questions

Le fournisseur de la plateforme de lecture numérique propose une aide en ligne et une FAQ, en français et en anglais. Les guides de démarrage, très bien faits, permettent une entrée en matière pas à pas, et sont d’une grande utilité pour ceux qui se lancent. C’est aussi un bon outil vers lequel sont renvoyés les usagers qui prennent contact avec la bibliothèque.

Constat

La majorité des usagers empruntent le numérique de manière autonome. Et si un obstacle est rencontré, c’est souvent relativement trivial, par exemple un mot de passe expiré, qui peut être réglé par e-mail.
Le support, que ce soit en présentiel ou à distance touche majoritairement des usagers très attirés par l'idée de lire sur liseuse ou tablette, mais pas par les aspects techniques de la chose. Pour certains, il suffit parfois d'une mise à jour du système d’exploitation ou du logiciel Adobe Digital Edition, ou d'un changement de paramètres de téléchargement des fichiers pour que le moteur se grippe et que le lecteur se perde.
La part des personnes touchées par les ateliers est très minoritaire. Elle est en revanche beaucoup plus importante par e-mail, qui concentre la majorité du support. Le support par téléphone, plus compliqué, n’est pas à privilégier.

Prêt de liseuses

Le prêt de matériel aide à la promotion de la lecture numérique. Le prêt de liseuses a plusieurs atouts. Tout d’abord, il offre une visibilité non négligeable à l’offre virtuelle de prêt numérique. De plus, cela valorise les compétences du personnel qui devient référence dans l’utilisation des différents outils.
La mise en place du prêt de liseuses a nécessité en amont :
- L’achat du matériel (choix des liseuses, définition des conditions de prêt, commande, équipement, ...)
- L’ajout d’information sur le site web directement pour en faire la promotion
- La formation des collaborateurs à l’utilisation de ce matériel (transfert de livres numériques mais aussi réinitialisation de l’appareil au retour de prêt)
Le prêt de liseuses rencontre largement son public en bibliothèque. Pour une partie du public l’emprunt se fait à titre de test avant l’achat de son propre matériel.
Le prêt de liseuses pré-chargées d’e-books a été testé en Suisse comme à l’étranger. Cette offre est proposée dans une optique de faciliter le prêt de livres numériques, dont la création d’un identifiant Adobe peut être un frein. Cependant, cette offre n’a souvent pas rencontré son public et n’est alors pas reconduite.

Investissement des professionnels dans l’animation du catalogue numérique

Passé la période de lancement et en plus de la promotion régulière qui en est faite auprès du public, il est crucial de faire vivre le catalogue numérique et de donner envie à aux e-lecteurs de revenir sur la plateforme. La spécificité de l’offre numérique, aussi bien en bibliothèque que pour les libraires en ligne, est le manque de visibilité de l’offre, au-delà des références présentées sur la page d’accueil.
Deux outils assez classiques, bien connus des bibliothécaires, sont ici à disposition pour aider à mettre en valeur le catalogue. Ainsi, on peut créer des sélections thématiques en s’appuyant sur l’actualité littéraire, l’actualité générale ou simplement ses envies, ou encore écrire des coups de cœur sur les titres au catalogue. Les sélections permettent ainsi de valoriser le fonds. Les avis ont un effet plus ponctuel mais plus fort sur les prêts du titre concerné. Dans les deux cas, la recherche par auteur permet de redonner de la visibilité à toute une œuvre. Par la magie du clic, c’est un moyen immédiat de « faire » du prêt.
Dans le cadre d’une offre numérique, il est important de renouveler régulièrement ces sélections et ces coups de cœur afin de ne pas lasser l’utilisateur fréquent. Le succès de ce type de promotion est renforcé par une utilisation des médias sociaux. La promotion croisée avec les ressources documentaires physiques in situ est évidemment un plus. Enfin, une sélection ou un avis sur des titres numériques sont réutilisés, quand cela est possible, pour faire la promotion de leur contrepartie physique.
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